Du grec « tocos » : descendance, et « pherein » : porter, car cette vitamine a été longtemps qualifiée de vitamine de la fécondité suite à des observations faites chez l’animal au début du XXème siècle.
Depuis d’autres propriétés complexes de la Vitamine E (terme générique désignant les différents tocophérols) ont été mises en évidence.
Antioxydante : Elle est un puissant agent antiradicalaire protégeant les structures membranaires des cellules contre les effets destructeurs des radicaux libres.
Stabilisatrice des membranes : elle participe à la structure membranaire en formant des complexes avec les résidus arachidoniques. Elle protège les lipides membranaires, les lipoprotéines et les dépôts de graisse de leur décomposition par la peroxydation lipidique. Cette action anti-oxydante est d’ailleurs utilisée dans l’industrie alimentaire.
Une carence en vitamine E augmente l’agrégation plaquettaire (sans conséquences cliniques apparentes), rend les globules rouges plus sensibles à l’hémolyse, et entraîne de nombreuses modifications enzymatiques.
Les différents tocophérols se distinguent entre eux par le nombre et la situation des groupements méthylés fixés sur le noyau. Dans la nature, l’α-tocophérol est le plus répandu et présente l’activité biologique la plus élevée. Les β et γ tocophérols ont une activité vitaminique réduite et le δ tocophérol est quasi-inactif. On rencontre également dans la nature des substances voisines : les α et β tocotriénols qui possèdent également une faible activité vitaminique.
Les tocophérols sont des vitamines liposolubles et insolubles dans l’eau. Ils sont peu sensibles à la chaleur, la lumière et les acides mais très sensibles à l’oxydation et aux bases.
Métabolisme
La vitamine E est présente dans l’alimentation sous forme d’esters de tocophérol. Elle est absorbée à environ 50% dans la partie moyenne de l’intestin grêle en présence de sels biliaires et de lipase pancréatique sous forme de micelles mixtes en même temps que les acides gras libres et les monoglycérides par diffusion. Elle est ensuite incorporée dans les chylomicrons et rejoint la circulation générale via le canal lymphatique.
Dans le plasma, les tocophérols sont liés aux lipoprotéines HDL et LDL avec une disparité notoire selon le sexe : La majorité est liée aux HDL chez la femme et aux LDL chez l’homme. Le taux plasmatique normal d’α-tocophérol est de 5 à 16 mg/l et étroitement lié à celui des lipides totaux et du cholestérol. Les organes les plus riches en α-tocophérol sont le tissu adipeux et les surrénales, cependant, du fait de leur poids, les muscles et le foie en contiennent aussi beaucoup même si leur concentration est plus faible.
La vitamine E est éliminée en majeure partie par voie fécale, dans la bile, sous forme de tocophérylhydroquinone conjuguée à l’acide glucuronique. 1% est éliminé dans les urines sous forme d’acide tocophéronique.
Sans entrer dans les détails complexes des réactions d’oxydoréduction, Il existe une interrelation vitaminique avec l’acide ascorbique (Vitamine C) par laquelle le tocophérol peut être régénéré.
Sources, teneur alimentaire et besoins en apport
Les sources alimentaires de vitamine E les plus importantes sont végétales : huiles et margarines, fruits oléagineux, germes de céréales.
Aliments | Teneur exprimée en mg d’acétate de dl-alpha tocophérol (UI) pour 100g |
---|---|
Huile de germe de blé | 120 à 250 |
Huile de tournesol | 55 à 80 |
Autres huiles végétales | 10 à 30 |
Margarines | 6 à 40 |
Noisettes, amandes | 20 à 30 |
Noix, pistaches, cacahuètes | 5 à 10 |
Fruits et légumes verts | 1 à 2 |
Poissons gras | 1 à 2 |
Beurre | 2 |
Oeufs | 1.2 |
Les apports nutritionnels conseillés en France sont de 4 à 18 mg d’acétate de dl-α-tocophérol (UI) par jour en fonction de l’âge et des situations physiologiques. Il ne faut pas se fier à la mention « teneur en tocophérols totaux » parfois présente sur les étiquetages qui ne correspond pas à l’activité vitaminique E.
Mesure de l’activité vitaminique E :
Il existe 2 types d’unité pour quantifier cette activité. L’ancienne unité (UI) correspond à l’activité de 1mg d’acétate de dl-α-tocophérol (Vitamine E reproduite par synthèse). L’unité de référence pour les experts internationaux utilise la forme biologique la plus active : le d-α-tocophérol appelé ainsi RRR-α-tocophérol ou α-tocophérol équivalent (α-TE).
Les apports alimentaires sont fréquemment inférieurs aux recommandations. La limitation fréquente des consommations de matières grasses, et plus particulièrement d’huiles végétales est en partie responsable de cet état de fait.
Les carences en Vitamine E
Elles résultent soit d’une diminution des apports ou des réserves, éventuellement associée à une augmentation des besoins, soit à une diminution de l’absorption. Dans les pays en voie de développement la carence en vitamine E est liée à un tableau de malnutrition globale ( type Kwashiorkor). Dans les pays industrialisés, les signes cliniques de la carence sont rares et observés dans des situations bien particulières : prématurité, pathologies digestives chez l’enfant (anomalie des voies biliaires, mucoviscidose) ; maladie de Crohn et résections intestinales chez l’adulte, maladies génétiques (a-bêtaliprotéinémie). Par ailleurs, il existe aussi des situations où le statut biologique en vitamine E est bas : la dialyse, l’alcoolisme et la cirrhose, la pancréatite, le syndrôme de Zieve ou encore les anémies hémolytiques congénitales (Drépanocytose, thalassémie, déficit en G6PD).
Les carences sont diagnostiquées par le dosage direct sanguin de l’α-tocophérol et par des tests d’exploration fonctionnelles qui mettent en évidence les conséquences métaboliques de l’augmentation de la peroxydation des lipides (Hémolyse par peroxydation in vitro).
Les valeurs normales sanguines sont de 7 à 15mg/l chez l’adulte mais varient en fonction de l’âge. Elles sont quatre fois plus basses chez le nouveau né. Le taux de tocophérol plasmatique varie en fonction de celui des lipides totaux. On peut donc exprimer le résultat en fonction des taux de lipides. La valeur normale chez l’adulte étant de 0.8mg/g de lipides (et 0.6 mg/g chez l’enfant).
Les signes hématologiques se caractérisent par une anémie hémolytique d’installation rapide (4 à 6 semaines) chez les grands prématurés, souvent accompagnée d’hyperbilirubinémie et parfois de thrombocytose avec hyperagrégabilité.
Le syndrome neurodégénératif est lui d’installation progressive et observé le plus souvent chez l’enfant atteint de malabsorption chronique, plus rarement chez l’adulte. Ce syndrome se caractérise par :
– des signes neurologiques périphériques (polyneuropathie d’installation progressive) avec diminution des réflexes ostéotendineux (12 à 18mois) puis diminution de la sensibilité profonde
– des signes musculaires avec une myopathie se manifestant par une faiblesse musculaire liée à la dénervation chronique et la dégénérescence lipopigmentaire des fibres musculaires. on retrouve une augmentation de la créatinurie.
– des signes neurologiques centraux se manifestant par des troubles de la motricité oculaire et une ataxie cérébelleuse (dégénérescence des fibres nerveuses au niveau de la substance grise de la moelle et des noyaux centraux).
– des signes ophtalmiques avec une atteinte rétinienne et installation d’une rétinite pigmentaire.
Excès de Vitamine E
La toxicité aiguë de la vitamine E est très faible et est sans doute liée à l’efficacité de l’excrétion biliaire. Les fortes doses de vitamine E sont à éviter chez les individus sous antivitamine K en raison de l’augmentation du risque hémorragique. Il n’y a pas de certitude absolue quant à l’innocuité d’apports de vitamine E prolongés, modérés ou importants. Dans la grande majorité des études des doses importantes de vitamine E (entre 40 mg/j et 1000 mg/j) durant des mois voire des années se sont avérées sans danger identifié. Cependant une étude relève une augmentation, non significative, des accidents hémorragiques cérébraux pour des doses de 50 mg/j durant 6 ans (Rapola et al., 1997). Pour autant, il n’existe pas d’argument en faveur de l’utilisation de fortes doses de Vitamine E au long cours en dehors d’un contexte thérapeutique bien précis.
Vitamine E et course à pied
Un apport conforme aux ANC en vitamine E est nécessaire chez l’athlète, mais, au même titre et dans les mêmes proportions que chez le sédentaire. Certes, La vitamine E, de par ses propriétés anti-oxydantes, participe à la récupération musculaire et la réparation tissulaire suite à des efforts intenses, cependant, des apports massifs, au delà des ANC, ne sont pas souhaitables, inutiles voire délétères. La vitamine E, de par ses propriétés lipophiles, se stocke dans le tissu adipeux qui fait office de réserve quasi illimitée même chez les sujets très maigres. De plus, l’activité physique, n’augmente pas les pertes vitaminiques sudorales, urinaires ou fécales, contrairement à ce que l’on observe avec les sels minéraux et les oligo-éléments. Des apports massifs en vitamine E n’augmentent pas les performances. Une étude norvégienne (Paulsen G, Cumming K, Holden G, Hallen J, Ronnestad B, Sveen O, Skaug A, Paur I,Bastani N, Ostgaard H, Buer C, Midttun M, Freuchen F, Wiig H, Ulseth E, Garthe I, Blomhoff R, Benestad H and Raastad T. Vitamin C and E supplementation hampers cellular adaptation to endurance training in humans: a double-blind randomized controlled trial. J Physiol. February 3, 2014) suggère même, qu’au même titre que la vitamine C, de tels apports réduiraient l’adaptation du muscle à l’exercice et l’endurance. Par conséquent, la supplémentation en Vitamine E ne se justifie pas, sauf dans les cas de carences avérées (notamment au détour d’une situation pathologique sous-jacente). Seuls, les bilans sanguins et les explorations fonctionnelles, strictement encadrés par le milieu médical peuvent attester d’une carence en vitamine E nécessitant une supplémentation. Comme pour de nombreux nutriments, l’athlète couvrira ses besoins en vitamine E grâce à une alimentation équilibrée et notamment par la consommation 2 à 3 fois/semaine d’huile de germe de blé pressé à froid.
BIBLIOGRAPHIE :
Les vitamines, données biochimiques, nutritionnelles et cliniques (J. LE GRUSSE/B. WATIER)
Atlas de Nutrition (H.-K. BIESALSKI/P. GRIMM) Ed. Maloine
Apports nutritionnels conseillés pour la population française 3ème édition. Ed. TEC&DOC
Guide nutritionnel des sports d’endurance (D. RICHE) Ed. Vigot
Diététique et micronutrition du sportif (D. CHOS/D. RICHE) Ed. Vigot
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